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Les Alpes Françaises 1940-1944 - Des Montagnes-Refuges aux Montagnes-Maquis

Auteur : François BOULET
Synopsis : Glières et Vercors sont de fait, et d’évidence, des moments et des « lieux où souffle l’esprit » (Maurice Barrès), le « génie » « du mot Non, fermement opposé à la force » (André Malraux), de la Résistance combattante de 1944, d’une patrie contre l’Occupant et ses complices. Mais il nous faut délaisser, un temps, ce plan apparent, mais spectaculaire des réduits alpins, en les gardant toujours en mémoire, pour nous intéresser aux états d’esprits, aux tempéraments alpins, à la vie alpine de tous les jours, matérielle et spirituelle, sous l’Occupation italienne et allemande. Il nous faut, en suivant le maître-géographe Raoul Blanchard, une vision d’ensemble des Alpes françaises pendant la Seconde Guerre mondiale.

 

PRÉFACE de : Monsieur Hervé Gaymard

Président du conseil Général de SAVOIE

Montagnes en vérité

Du « coup de poignard dans le dos » de l’Italie mussolinienne en juin 1940, aux tragédies du Vercors et des Glières en 1944, les Alpes ont traversé de rudes épreuves. Les témoignages, les récits, les histoires locales ne manquent pas, mais cette histoire reste à écrire, car ici comme ailleurs, il faut que le temps passe pour que la perspective se dessine et que les vérités s’expriment. Le remarquable ouvrage de François Boulet, « Les Alpes françaises 1940-1944, des montagnes-refuges aux montagnes-maquis », est assurément une pierre de touche de cet édifice à venir, car il est tout ensemble distant et chaleureux. Chaleureux, parce que l’auteur aime les Alpes et admire les montagnards, ces taiseux que leur lent pas mène si loin. Mais la distance et le recul de l’historien permettent de lire la vérité en face. Cette période tragique de l’histoire apporte non seulement le témoignage poignant des solidarités inébranlables du monde montagnard face à l’adversité, son attachement à la beauté et l’intégrité de la terre, sa spiritualité naturelle qui le guide et que chacun peut ressentir dans le silence des sommets, mais elle éclaire aussi sur les rapports ambivalents de la montagne avec le monde de la ville.
Si, jusqu’en 1942, les Alpes se maintiennent dans une position attentiste face aux mouvements de Résistance qui s’organisent et qui sauvent l’honneur, c’est d’abord parce que l’isolement géographique, la rudesse du climat, le scepticisme, approfondissent encore peut être plus qu’ailleurs l’abasourdissement de la défaite. Le recueillement qui prolongera le long silence après le craquement (« J’entendais la France se déchirer tout du long, tout du long, comme une étoffe qui craque » écrira Alexandre Vialatte dans Le fidèle Berger) dont ne sortiront jamais les indifférents, ne sera rompu que par les héros et les traîtres, même si le gris et la sépia disent mieux l’époque que le noir et le blanc. Ici, le retour à la terre de la propagande pétainiste résonne particulièrement. L’attachement viscéral à la terre, le mode de vie traditionnel qui prévaut, à l’exception des capitales départementales, le ralliement de tous les parlementaires au nouveau régime, quels que soient leurs partis, rendent sans doute encore plus lointains les combats lointains des Alliés. Les Alpes françaises sont naturellement pétainistes, à l’exception d’une minorité de valeureux, du militaire qui ne renonce pas, à l’ouvrier syndiqué, en passant par le prêtre qui n’est pas dupe de l’ordre moral dégoulinant. En effet, Pétain rassure. Il parle de ce qui fait la vie, âpre et belle, de tous les jours : l’effort, le travail, « la terre qui ne ment pas », une formule d’Emmanuel Berl, la terre qui ne déçoit pas. Et les anciens de quatorze, devenus profondément pacifistes, vénèrent ce chef qui a épargné leur sang plus que les autres, et qui a pris sur lui d’endosser le lâche soulagement de l’armistice. Au moment des accords de Munich en 1938, Léon Blum, prémonitoire, disait que les Français étaient partagés entre « le lâche soulagement et la honte ». En 1940, notre pauvre pays a subi en même temps ces deux abattements. C’est ce qu’avait pronostiqué bien avant encore Georges Bernanos : « La défaite des esprits y fait prévoir celle des armées ».
Tous les historiens s’accordent pour dire que la bissectrice de la guerre, en France, fut l’invasion de la zone dite « libre » et l’instauration du Service de Travail Obligatoire. Ses nombreux réfractaires se retrouvent dans la montagne qui devient un sanctuaire. Organisé spontanément, le « maquis-refuge » est typiquement le reflet de cette relation d’homme à homme propre à la montagne, courageuse et fraternelle. Les agitateurs de la ville, les petites intrigues de pouvoir, les haines intestines semblent se perdre et s’anéantir au contact des grands sommets. Les hommes s’y sentent fortifiés des forces de l’immensité. À partir de 1943, les actions du maquis redoublent. C’est la véritable entrée en Résistance du monde de la montagne douloureusement trahi par les dérives du régime de Vichy. En 1944, Les Glières et Le Vercors, le long martyrologe de nos vallées meurtries sont le théâtre des fureurs de la guerre. Dans les maquis de nos montagnes se rejoignent les Résistants venus de tous horizons, français ou étrangers, gaullistes, communistes, militaires, jeunes idéalistes. C’est ainsi que dans les archives de Bernard Fall, un universitaire américain, spécialiste du Vietnam disparu en 1968, y a déposé dans un carton à la John Fitzgerald Kennedy Library à Boston, les cartes d’État-Major de Haute-Maurienne et de Haute-Tarentaise… Fils d’une famille juive viennoise ayant fui le nazisme pour la France en 1938, après l’arrestation et la déportation de ses parents en 1942 à Nice, il entrera dans la Résistance à quinze ans, et se battra pour notre liberté dans nos hautes vallées… Qui se souvient des hommes ?
Les persécutions et répressions dans les Alpes sont nombreuses. Les sacrifices endurés par les maquisards pour notre liberté nous obligent à nous souvenir avec émotion de cet engagement patriotique, secondé par l’assistance et la protection des habitants des montagnes, fiers d’avoir apporté leur contribution à la défense des valeurs communes de l’humanité : la liberté, la tolérance, la solidarité, le refus des fanatismes, l’intégrité intangible de l’homme.
Je voudrais remercier avec reconnaissance François Boulet d’avoir célébré la mémoire de ces hauts pays en ces heures glacées de l’histoire, en mettant à leur juste place dans la reconstruction de notre cohésion nationale les femmes et les hommes montagnards qui ont lutté pour que brille de nouveau la flamme vacillante et fragile des droits de l’homme. Je voudrais rendre hommage à tous ces anonymes qui sont tombés pour que soit relevé le glaive, et restauré l’honneur de la France.
Comprendre la traversée de leurs épreuves, le sens de leurs engagements, les traces indélébiles laissées par la barbarie nazie permet de mieux connaître aujourd’hui la vie de nos montagnes. Une vie dure à la tâche, courageuse face au destin, qui illustre « le silence séculaire de l’acharnement » dont parlait André Malraux.

Hervé GAYMARD

Prix : 45,00 €
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